Premier sourire de printemps Tandis qu’à leurs œuvres perverses Les hommes courent haletants, Mars qui rit, malgré les averses, Prépare en secret le printemps. Pour les petites pâquerettes, Sournoisement lorsque tout dort, II repasse des collerettes Et cisèle des boutons-d’or. Dans le verger et dans la vigne, II s’en va, furtif perruquier, Avec une houppe de cygne, Poudrer à frimas l’amandier. La nature au lit se repose ; Lui, descend au jardin désert Et lace les boutons de rose Dans leur corset de velours vert. Tout en composant des solfèges Qu’aux merles il siffle à mi-voix, II sème aux prés les perce-neige Et les violettes au bois. Sur le cresson de la fontaine Où le cerf boit, l’oreille au guet, De sa main cachée il égrène Les grelots d’argent du muguet. Sous l’herbe, pour que tu la cueilles, II met la fraise au teint vermeil, Et te tresse un chapeau de feuilles Pour te garantir du soleil. Puis, lorsque sa besogne est faite, Et que son règne va finir, Au seuil d’avril tournant la tête, II dit : « Printemps, tu peux venir ! »
Théophile Gautier (1811-1872)
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